Parti à la faculté d’Aix en Provence pour étudier l’histoire et la géographie, ce sont les copains de la Fac qui m’ont entraîné sur un terrain de rugby. Je n’étais pas mauvais mais je me suis blessé. C’est très voltairien, mais d’un mal naît un bien. Je me suis dès lors retrouvé sur la touche, et j’ai pris goût à l’entraînement.
Je suis devenu analyste vidéo des matchs, c’est-à-dire la personne du staff qui permet de décortiquer les points forts et les points faibles des joueurs de l’équipe et, parallèlement, j’ai commencé à entraîner l’équipe féminine de rugby d’Aix en Provence. C’est passionnant ! Je crois que ça m’a poussé à devenir plus féministe que les femmes elles-mêmes (sourires). Je me suis parfois battu contre leurs propres préjugés, sur ce qu’elles pensent pouvoir faire ou ne pas faire.
C’est à ce moment que j’ai croisé le chemin de l’Ecole des XV qui est née il y a 5 ans. Cette école vient en aide aux jeunes collégiens d’Aix et Marseille. Il y a en tout une centaine d’élèves qui viennent après leur cours pour du rattrapage scolaire, de l’aide aux devoirs et, ce qui est plus original, l’apprentissage du rugby. Nous sommes dans une période où les enfants font de moins en moins de sport et sont de plus en plus addicts aux écrans. C’est clairement un des problèmes pour l’enseignement et notre but est d’aider ces collégiens qui décrochent à se construire et à donner du sens à l’école par le sport.
Concernant le rugby, c’est deux séances d’entraînement par semaine et ça leur permet de se dépenser, de se dépasser aussi et de vivre ensemble, notamment avec les filles puisque les équipes sont mixtes. Certains garçons n’ont pas l’habitude mais ils apprennent par exemple à perdre ou à ne pas s’énerver parce qu’ils subissent un plaquage. Le message du rugby pour ces enfants souvent issus des quartiers c’est que l’on peut se battre mais dans les règles. Et l’Ecole des XV obtient des résultats. Aujourd’hui on a la première génération de bacheliers issue de l’école, donc ça a marché pour ces garçons et ces filles passés par chez nous. Certains ont trouvé des BTS, des jobs en alternance. Et, en apprenant aux filles à gagner sur le terrain, il y a eu aussi un effet sur le choix des formations. Ces jeunes femmes sont plus confiantes et elles ne choisissent pas obligatoirement les cursus habituels pour des métiers d’aide à la personne, dans le social ou le médical. Il y a l’exemple notamment de cette adolescente qui, en entrant à l’Ecole des XV, ne savait pas ce que c’était que plier les genoux ou courir et qui vient d’être recrutée par le centre de formation d’arbitrage de la Fédération Française de rugby. Voilà, grâce au sport, l’une de ces belles histoires.