Côté foot

Aussi des histoires de filles

Regarder de plus près ce que les clubs et les associations mettent en place pour le développement du football féminin permet de découvrir des trajectoires inspirantes qui laissent admiratifs. La preuve par trois.

Normandie / MancheES Coutances : 38 ans de la vie de Michèle Malorey

38 ans d’engagement ininterrompu. Voilà ce qui permet aujourd’hui à Michèle Malorey de passer la main avec le sentiment légitime d’avoir fait avancer le foot féminin dans la Manche. « L’âge est là, il est temps de laisser la place aux jeunes. Le club a aussi besoin d’un regard neuf, d’un fonctionnement peut-être différent… » Lorsqu’elle évoque la fin d’une époque débutée en 1986, la professeur de maths à la retraite ne doute pas de la pertinence de son choix. Le moment est venu de laisser la section féminine de l’ES Coutances, forte de 96 licenciées, voler de ses propres ailes. C’est une évidence, la relève est là ! Sauf qu’en poursuivant notre conversation, on s’aperçoit vite qu’il ne sera peut-être pas aussi facile que cela de tourner une page longue de quatre décennies d’investissement total. « Je ne vais pas tout couper d’un coup, nous rassure-t-elle. Je serai toujours là pour épauler s’il le faut. Plus pour gérer les entraînements ou les aléas du week-end, mais pourquoi pas prendre une équipe avec moins de responsabilités… » Sportive accomplie, celle qui a débuté par l’athlétisme et le cyclisme s’est mise au foot à l’âge de 20 ans, jusqu’à ses 55 ans ( !), sans jamais compter les heures au service de son club. « La première année, en 1986, il n’y avait qu’une catégorie qui allait de 11 à 15 ans. Aujourd’hui, nous avons une équipe par année d’âge et l’ambition d’en avoir deux. C’est le travail d’une quinzaine d’années… » Celles-là ainsi que les autres qu’elle oublie volontairement de compter pour éviter le vertige et qui ont compté double depuis la retraite venue, il y a six ans. « Avec plus de temps libre, j’ai pu davantage m’occuper du club » qui en a immédiatement tiré profit pour renforcer une section qui va devoir, petit à petit, apprendre à vivre sans sa cheville ouvrière. Celle qui organise tous les ans un déplacement collectif pour voir l’équipe de France féminine ou la D1 de Guingamp. Celle qui se régale à s’occuper des débutantes de tous âges pour leur permettre de prendre le temps de s’intégrer et de les accompagner dans leur progression. « Je suis plus éducatrice que coach et je me suis toujours plus intéressée à celles qui jouent moins… » et qui risquent donc de la regretter. A moins que son exemple ait suscité d’autres vocations.

Auvergne-Rhône-Alpes / Puy-de-DômeLe FC Riom déploie ses Elles

Depuis la création d’une équipe de foot à 8 il y a six ans, la section féminine du FC Riom ne cesse de monter en puissance. Transcendée cette saison par l’initiative « Sous leurs Elles », la dynamique offre un supplément d’âme au club riomois. Responsable de la section depuis quatre ans, il n’est pas exagéré de dire qu’Aurélien Fabreguettes agit en accélérateur de particules au sein d’un club qui se féminise de plus en plus. Après le passage à 11 en 2020, l’arrivée des U18 en 2023, la prochaine étape de cette progression passera la saison prochaine par une structuration du staff et un effort effectué dans le domaine de l’arbitrage avec la perspective d’intégrer une équipe U15 à l’horizon 2025 en lien avec la création d’une classe-foot en collège. « L’objectif n’est pas forcément d’évoluer au plus haut niveau possible, nous dit Aurélien. Il est davantage d’étoffer tous les échelons de la section pour assurer sa pérennité dans le temps. » Pour y parvenir, l’éducateur riomois multiplie les initiatives originales. Dans le cadre de l’opération « Toutes Foot » de la FFF, en collaboration avec une école d’audiovisuel de la ville, il a d’abord donné la parole aux filles en participant à la conception d’un court métrage où elles témoignent de leur expérience au sein du club, de « celles qui jouent depuis leur plus jeune âge à celles qui débutent. Une manière de challenger tout le monde ». Cette saison, il a remis ça en intégrant l’idée d’un mentorat entre les seniors et les plus jeunes. « Le projet a pris tout son sens avec la création de l’équipe U18. On se demandait comment faire vivre la section filles au-delà des seniors. A Noël, nous avons effectué un tirage au sort pour former des binômes où une joueuse plus âgée est la marraine d’une plus jeune. » Le principe ? Que chacune participe à un entraînement de l’autre, assiste aux matchs et crée du lien, avant une journée de clôture en fin de saison autour d’un foot-golf et d’un repas. En utilisant toujours les mêmes compétences des licenciées, un clip vidéo diffusé sur les réseaux sociaux et des affiches en mode selfie, version Panini, placardées dans le couloir des vestiaires, ont été réalisés pour valoriser le programme et promouvoir la section. L’adhésion au projet a été telle qu’une suite sera peut-être donnée la saison prochaine à « Sous leur Elles », histoire d’ancrer encore un peu plus le foot féminin au sein du club.

Crédit photo : © La Montagne

Île-de-France / Paris« Sine Qua Non FC » joue la carte filles

Avez-vous déjà entendu parler de l’association Sine Qua Non ? Ce collectif œuvre pour que les jeunes parisiennes accèdent aux différents “city stades” mis en place par les collectivités territoriales. Place aux filles ! Cela pourrait être, en substance, le slogan de cette association qui utilise le sport pour booster l’empowerment des femmes et mobiliser chacune et chacun contre les violences sexistes et sexuelles. En proposant notamment d’aider les joueuses à investir les City stades. Cette initiative est justifiée par les difficultés que rencontrent les filles pour se faire une place parmi les garçons qui trustent ces espaces. La région Île-de-France estimait d’ailleurs, dans une récente étude, que les espaces City stades étaient occupés à près de 95% par un public masculin. Une disproportion qui méritait d’être rééquilibrée sur l’autel de la mixité́ et de la cohésion. Avec une spécificité́ : les séances sont assurées par des jeunes femmes afin d’inciter les filles à se rendre sur les lieux sans craindre d’être ostracisées ou discriminées. Parmi les éducatrices, Kamélia Makrouf (photo), ou plus exactement Coach Kamélia, à la fois arbitre, joueuse de futsal et désormais agente sportive d’une association à vocation sociale: “Le but n’est pas de former des joueuses professionnelles mais bien de faciliter l’accès à ces espaces aux filles. Désormais celles-ci viennent d’elles-mêmes mais il a d’abord fallu aller les débusquer pour leur expliquer que le City stade leur était ouvert et qu’elles pouvaient utiliser la structure au même titre que les garçons.” Un propos corroboré par Cloé Bahuaud et Mathilde Castre, la présidente de l’association: “Nous avons bien conscience que la bataille pour un accès égal est loin d’être gagnée. Mais l’important est de démontrer que la pratique du football urbain peut tout aussi bien concerner un public fille que garçons.” Un combat au long cours auquel notre magazine entend donner tout l’écho qu’il mérite.

Rédaction par la revue Vestiaires

00:00 00:00